BALZAC : Le rapport à la vérité (impossible ?)

Posted By: Maryline Martinol In: Sub Category 1 On: mercredi, janvier 28, 2015 Comment: 0 Hit: 2411

« Un fou est un homme qui voit un abîme et y tombe. Le savant l’entend tomber, prend sa toise, mesure la distance, fait un escalier, descend, remonte, et se frotte les mains, après avoir dit à l’univers : “Cet abîme a dix-huit cent deux pieds de profondeur, la température du fond est de deux degrés plus chaude que celle de notre atmosphère.” Puis il vit en famille. Le fou reste dans sa loge. Ils meurent tous deux. Dieu seul sait qui du fou, qui du savant, a été le plus près du vrai. Empédocle est le premier savant qui ait cumulé.

Il n’y a pas un seul de nos mouvements, ni une seule de nos actions qui ne soit un abîme, où l’homme le plus sage ne puisse laisser sa raison, et qui ne puisse fournir au savant l’occasion de prendre sa toise et d’essayer à mesurer l’infini. Il y a de l’infini dans le moindre gramen.

Ici, je serai toujours entre la toise du savant et le vertige du fou. Je dois en prévenir loyalement celui qui veut me lire ; il faut de l’intrépidité pour rester entre ces deux asymptotes. Cette théorie ne pouvait être faite que par un homme assez osé pour côtoyer la folie sans crainte et la science sans peur. »

 

Balzac, Théorie de la Démarche,
fragment de la « Pathologie de la vie sociale », Études Analytiques.

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